Nicolas Sarkozy et Nicollo Machiavelli

Le site encadrer-et-manager ne propose pas d’outils de management mais des analyses des fondements de l’activité d’ encadrement dont peuvent découler des pistes d’action pour les cadres et les managers, mais aussi les dirigeants des entreprises. Parmi ces analyses, certaines s’inspirent des classiques de la science politique et de la stratégie militaire (voir la page  » orientations de Napoléon « ). On peut trouver un exemple très actuel de l’intérêt que peut encore représenter aujourd’hui un auteur comme Machiavel quand on analyse la politique du Président Sarkozy.

En effet, les leçons que le Président actuel a tirées de Machiavel ont été très visibles lors des trois campagnes électorales différentes que le candidat Sarkozy a su mener : très à droite, au centre, et même à gauche (Jaurès !). Machiavel : le prince doit savoir mettre en retrait son propre caractère pour s’adapter aux circonstances, et « la fin justifie les moyens » (« la première campagne se gagne avec les électeurs de le Pen », donc « laissez tomber vos vieux principes »). La devise « diviser pour régner » s’appliquait déjà dans cette campagne mais plus encore par la suite. Si le candidat Sarkozy a su créer la surprise par son attitude très calme durant le débat télévisé avec son adversaire Ségolène Royal, ou en se mettant en retrait durant les semaines de grève et de négociation, c’est que le prince doit savoir être « à la fois lion et renard », et « ne pas s’attirer la haine du peuple », en faisant jouer à l’occasion le rôle du « méchant » à son Premier Ministre. Mais il a tout aussi bien pu s’inspirer de cette devise de Sun Tzu : « sois insaissiable : ne sois pas là où tes ennemis t’attendent, et apparais là où ils ne t’attendent pas ». Tout au long du Prince, Machiavel i nsiste sur le fait que s’il veut garder le pouvoir, le prince doit « brider les Grands » en prenant appui sur le peuple. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, faire venir des « représentants de la banlieue » au gouvernement, nommer des ministres « de gauche » et des experts contre les Grands de son propre camp, aller dans les usines ou « se battre » verbalement avec des pêcheurs, relève de cette tactique, formulée un jour par François Fillon : « le microcosme s’agite, pendant que le peuple travaille ».

L’usage de la religion se trouve lui aussi formulé dans l’oeuvre de Machiavel , qui écrit à propos des « principautés ecclésiastiques » qu’elles « se trouvent soutenues par les structures très anciennes de la religion, et celles-ci se sont révélées si fortes et de si haute qualité qu’à elles seules elles préservent leur prince, quel que soit son comportement ». Mais dans bien d’autres passages Machiavel indique que même si le prince n’y adhère pas, la religion est un « instrument » du pouvoir (tout comme la morale). Et le sociologue Durkheim n’écrit pas autre chose, pour un type de société donné.

En s’inspirant de telles analyses, que le Président interprète à sa façon, on peut évidemment se tromper, commettre des erreurs d’appréciation, et surtout, ne pas réellement « maîtriser » ses penchants. Il se peut même que Nicolas Sarkozy soit trop influencé par les méthodes de management qui lui font appliquer les leçons de Machiavel d’une manière un peu mécanique. Parmi les penchants non-maîtrisés, parmi les motivations du Président, il y a le désir profond de provoquer des gens qu’on prend pour des « imbéciles » (on connaît le langage « choc » du Président dans les coulisses, et du temps où il était ministre de l’Intérieur), et d’être « bras dessus bras dessous » avec les Grands de ce monde (voir la récente scène tragi-comique, digne de Tati, où le Président tente d’embrasser le Premier Ministre indien, qui repousse ses avances). On peut lancer des « ballons d’essai » et découvrir que les résistances sont trop fortes. Mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’une simple « agitation permanente » un peu névrotique. Je pense qu’il s’agit plutôt d’une stratégie de provocation délibérée et calculée, à l’égard de tout ce qui, selon le Président actuel, est out of time en France. Que cela frise parfois la fuite en avant systématique, tout juste freinée par moments, invite à garder en mémoire le slogan de campagne du candidat Sarkozy : « tout est possible ! ». Ce slogan évoque celui de Napoléon 1er, « impossible n’est pas français ». Il a été noté dans une lettre durant la campagne d’Allemagne en 1813, juste après le désastre de celle de Russie et deux ans avant Waterloo. A suivre donc.